Régulation bancaire : L’architecture européenne est enfin définie

Il aura fallu près de 10 mois pour que le Conseil de l’Union Européenne approuve l’accord avec le Parlement Européen relatif au paquet « CRD IV ». Celui-ci, conformément à l’accord international dit de Bâle III, modifie les règles relatives aux exigences de fonds propres applicables aux banques européennes et aux entreprises d’investissement. L’accord permet de définir la solvabilité et en conséquence préciser l’architecture réglementaire de l’industrie bancaire. Celui-ci devrait être approuvé d’ici la fin du mois par le Coreper avant d’être soumis par le Parlement et la Commission. Il va profondément changer le paysage bancaire européen. Il intervient au moment des débats parlementaires sur la séparation bancaire.

Le Conseil souhaite qu’il y ait un accord d’ici la fin du mois de mars pour mettre en place deux instruments législatifs qui définiront l’architecture de la régulation de l’industrie bancaire :

– un règlement directement applicable (Capital Requirement Regulation – CRR) par les Etats membres définit les règles prudentielles pour les  établissements. Des exigences plus strictes aux établissements financiers agréés au niveau national sont permises.

et une directive sur les exigences de fonds propres des banques (Capital Requirements Directive – CRD) régissant l’accès aux activités de réception de dépôts qui permet aux Etats sans attendre l’autorisation de la Commission, d’appliquer des mesures pour le risque systémique.

Voici les règles applicables en détail et le calendrier.

Le règlement

Il sera directement applicable à l’ensemble des États membres de l’Union Européenne.

Les banques et les entreprises d’investissement devront « détenir des fonds propres de base de catégorie 1 correspondant à 4,5 % des actifs pondérés en fonction du risque (jusqu’en décembre 2014 entre 4 et 4,5 %), au lieu des 2 % applicables en vertu des règles actuelles ».

L’exigence totale de fonds propres, qui inclut les fonds propres de catégories 1 et 2, demeure inchangée, soit 8 % (comme à l’époque de Médicis !) des actifs pondérés en fonction du risque.

« Le règlement définit les instruments de fonds propres de base de catégorie 1 à l’aide de quatorze critères, qui figurent déjà dans l’accord de Bâle III, et charge l’Autorité Bancaire Européenne de contrôler la qualité des instruments émis par les établissements » précise un communiqué.
Des exigences supplémentaires de fonds propres sous la forme de coussins sont introduites
dans la directive.
Dès 2015 des exigences de liquidité au niveau de l’UE seront introduites, après une période d’observation.

Les établissements seront tenus de détenir des actifs liquides, dont la valeur totale couvrirait les sorties nettes de liquidités auxquelles, ils pourraient devoir faire face en situation de crise grave sur une période de trente jours.

En période de crise, les établissements seraient autorisés à utiliser leurs actifs liquides pour couvrir leurs sorties nettes de liquidités.

Le ratio de couverture de liquidité sera introduit progressivement, en commençant à 60 % en 2015 pour atteindre 100 % en 2018.

Un examen aura lieu en 2016 afin que la Commission puisse retarder l’introduction du ratio de 100 % si l’évolution de la situation internationale le justifie.

Jusqu’à l’introduction complète du ratio de couverture de liquidité, les États membres peuvent maintenir ou introduire des exigences de liquidité au niveau national.

Le règlement limite aussi les entrées de liquidités à 75 % des sorties de liquidités afin que les banques  détiennent un montant minimal d’actifs liquides égal à 25 % des sorties.

Il demande à la Commission de présenter pour le 31 décembre 2016 au plus tard une proposition législative visant à ce  que les établissements recourent à des sources de financement stables.

Le règlement comporte aussi des dispositions relatives à l’introduction d’un ratio de levier à compter du 1er janvier 2018, sous réserve que le Conseil et le Parlement marquent leur accord sur la base d’un rapport qui sera présenté par la Commission le 31 décembre 2016 au plus tard, et ce, après une période d’observation initiale. A compter du 1er janvier 2015, les établissements seront tenus de communiquer leur ratio de levier. Le ratio de levier est une mesure indépendante des risques et correspond aux fonds propres, de catégorie 1 de l’établissement divisés par son actif total consolidé moyen. Des niveaux différents seraient fixés pour les établissements adoptant des modèles économiques différents.

Des mesures plus strictes peuvent être appliquées par les Etats au niveau des fonds propres, aux exigences de liquidité, aux exigences relatives aux grands risques, au niveau du coussin de conservation des fonds propres, aux exigences de publication d’information, aux expositions au sein du secteur financier et aux pondérations de risque pour faire face aux bulles d’actifs dans l’immobilier. Le Conseil peut rejeter, à la majorité qualifiée, les mesures nationales plus strictes proposées par un État membre.

La directive

La directive instaurera des exigences supplémentaires concernant un coussin de conservation des fonds propres de 2,5 % du montant total d’exposition au risque, constitué de fonds propres de base de catégorie 1, identique pour toutes les banques dans l’UE, ainsi qu’un coussin de fonds propres « contracyclique » spécifique à chaque établissement ne dépassant pas 2,5 %.

En outre, les États membres auront la possibilité d’instaurer un coussin de fonds propres de base de catégorie 1 supplémentaires destiné à couvrir le risque systémique, pour le secteur financier ou un ou plusieurs de ses sous-ensembles, ou des coussins pour les établissements d’importance systémique.

Les États membres pourront, sans attendre l’autorisation préalable de la Commission, appliquer des coussins pour le risque systémique allant de 1 à 3 % pour toutes les expositions, et jusqu’à 5 % pour les expositions nationales et dans des pays tiers.

Ils pourront imposer des coussins plus importants moyennant l’autorisation préalable de la Commission sous la forme d’un acte d’exécution. Si un État membre décide d’imposer un coussin allant jusqu’à 3 % pour toutes les expositions, ce coussin doit être le même pour toutes les expositions situées dans l’UE.

Les exigences en matière de coussins spécifiques aux établissements d’importance systémique seront obligatoires pour les établissements d’importance systémique au niveau mondial mais facultatives pour les autres établissements d’importance systémique (à l’échelle de l’UE ou au niveau national).

Les coussins s’appliqueront sur une base consolidée pour les établissements d’importance systémique au niveau mondial et sur une base individuelle, sous-consolidée ou consolidée pour les autres établissements d’importance systémique. Le coussin applicable à ces derniers est plafonné à 2 %.

Les établissements d’importance systémique au niveau mondial seront classés en cinq sous-catégories, en fonction de leur importance systémique. Ils seront soumis à des exigences progressives de fonds propres de base de catégorie 1 supplémentaires, allant de 1 à 2,5 % pour les quatre premiers groupes, tandis qu’un coussin de 3,5 % sera applicable à la sous-catégorie supérieure.

Le coussin pour le risque systémique et les coussins applicables aux établissements d’importance systémique au niveau mondial et aux autres établissements d’importance systémique ne seront généralement pas cumulatifs. Seul le plus important des trois coussins s’appliquera. Toutefois, si le coussin pour le risque systémique ne s’applique qu’aux expositions nationales, il peut s’ajouter au coussin applicable aux établissements financiers d’importance systémique.

Les bonus seront plafonnés et sera égal à la rémunération fixe conformément à l’accord.
« Il peut être porté au double si un quorum d’actionnaires représentant 50 % des actions participent au vote et qu’une majorité de 66 % d’entre eux soutiennent la mesure« . Si le quorum ne peut pas être atteint, la mesure peut être approuvée si elle est soutenue par 75 % des actionnaires présents.

Pour l’application du ratio, la rémunération variable peut comporter des instruments  différés à long terme pouvant être actualisés de façon appropriée. L’Autorité Bancaire Européenne élaborera des orientations concernant le facteur d’actualisation applicable, en tenant compte de tous les aspects pertinents, dont le taux d’inflation, le risque et les structures d’incitation appropriées. En outre, les instruments à long terme susmentionnés doivent être entièrement convertibles et annulables. Ces dispositions s’appliqueront également au personnel des filiales de sociétés européennes dont les activités se situent en dehors de l’Espace économique européen et de la zone européenne de libre-échange.

À partir du 1er janvier 2014, les établissements seront tenus de rendre publics le nombre d’employés par établissement du groupe ainsi que le produit bancaire net. Tous les établissements d’importance systémique au niveau mondial et les autres établissements d’importance systémique devront également informer la Commission des bénéfices réalisés, des impôts payés et des subventions reçues.

À partir de 2015, les banques devraient rendre publiques les données à moins que la Commission, par voie d’acte délégué, ne retarde ou modifie les dispositions concernées. Une clause de limitation dans le temps prévoit l’expiration de cette disposition, dès lors qu’elle fait l’objet d’une autre législation à venir (à savoir, la directive comptable).