La blockchain sonne t-elle la fin des banques ?

Les banques peuvent-elles être remplacées par des puissances de calculs ? Avec la vulgarisation de la blockchain, la question se pose. Pas seulement du côté des Fintech, mais aussi des régulateurs. Texte issu du guide “Banque et Innovations”.

 

Les transactions sont centralisées dans un grand livre.

Les transactions sont centralisées dans un grand livre.

Pour la première fois de l’histoire, une technologie permet des interactions financières sans l’intervention d’intermédiaire. La blockchain transforme l’industrie bancaire. Cette technologie est composée de deux innovations.

L’une permet la traçabilité des opérations et l’autre, le grand livre, permet de regrouper l’ensemble des informations et de les rendre accessibles, à tous ou non, selon le paramétrage. Le système est décentralisé et fondé sur les consensus.

Il offre de nombreux avantages. Il procure une drastique diminution des coûts de transactions estimée à plus de 20 milliards par an (actuellement le coût des règlements est de 50 milliards d’euros par an) avec un niveau de sécurité élevée (bien que l’attaque sur la DAO le 17 juin montre une vulnérabilité) permettant de limiter les risques systémiques. Il donne la possibilité d’effectuer des transactions sans pour autant sortir l’argent réel immédiatement.

Cette automatisation et les faibles coûts offrent de belles perspectives pour une inclusion bancaire élargie et durable, mais aussi pour atteindre les objectifs de surveillance des flux financiers conformément aux objectifs du G20 et G8. Les opérations de la blockchain ne prennent que quelques minutes, contre une journée pour les systèmes bancaires…

La confiance peut-elle être « automatique » ?

Alors peut-on miser toute la confiance sur la technique ? Il est vrai que ce système décentralisé libère de toute intervention humaine et donc des erreurs et manipulations.

L’autorégulation peut abolir de toute autorité de contrôle et institutionnelle. Il n’y a donc plus d’organe de surveillance et tout peut être autogéré.
Or, ce système est établi sur un code informatique. Ce sont donc les programmeurs qui régissent les réseaux. Ce sont eux qui sont capables d’éviter ou d’introduire des erreurs. Par ailleurs, nous avons tous en tête l’attaque de ” The Dao” qui s’est déroulé cet été. L’organisation avec une intervention humaine arbitraire a choisi de retrograder ses données et montre les manipulations possibles.

A ce jour, ce sont les établissements bancaires qui garantissent le bon fonctionnement des opérations financières et qui sont soumis, dans ce cadre, à un statut et une surveillance.

Le point de vue des régulateurs

Dans ce contexte, comment les banques centrales envisagent-elles les évolutions ? Majoritairement, elles adoptent une position pour intégrer ces technologies dans le champ de la régulation.

La Banque de France plaide pour que « les mêmes règles soient applicables aux mêmes activités, quels que soient les acteurs ». Pour maintenir un système robuste, il convient de réglementer en fonction de ce que les acteurs font et non pas ce qu’ils sont. Elle se prononce pour une coordination à l’échelle internationale pour assurer le développement par les TIC et éviter une fragmentation des réglementations et de la fiscalité.

Quant à l’Allemagne, elle envisageable que les réseaux centralisés puissent fournir des informations claires et désigner des responsables en cas d’erreur de programmation. « la Blockchain ne peut donc pas servir comme un élément découplé du système financier, mais doit être une partie intégrante de celui-ci « indiquait récemment la Bundesbank. Elle indiquait également « Il est également important que le caractère décentralisé des applications n’’empêche pas d’institutions individuelles et les opérateurs de système de continuer à être tenus responsables ».

Quant à la banque d’Angleterre, très pragmatique, elle entrevoit la création d’une monnaie numérique et une adaptation du cadre réglementaire.
Enfin, en France, un droit de la blockchain devrait prochainement apparaître. Le 26 mai dernier, le Parlement Européen a adopté une résolution pour explorer les livres distribués et les monnaies virtuelles. Il a demandé à la Commission européenne la création d’une DLT force (distributed ledger technology) composée d’experts.  La BCE pour l’instaure explore ce type de solution. L’ambition est de trouver une législation proportionnée pour surveiller la finance sans étouffer les innovations promises par ces technologies.

Patrice REMEUR